Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 1, Hachette, 1911.djvu/182

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

milieu des serrures et des clefs pleines de rouille, tel que l’Amour au milieu des roses : comparaison d’une justesse dont l’historien ne peut nullement se faire honneur, attendu que l’invention appartient à un autre, à la chaste et modeste Miggs, qui, voyant le jeune homme du seuil de la porte, où elle était alors à nettoyer, se sentit en veine de sentiment, et se permit dans la foi intérieure de son âme virginale cette similitude poétique.

Le serrurier, les yeux au plafond et la tête en arrière, était justement en ce moment dans le feu de ses communications intimes avec Tobie, et il n’aperçut pas, pour sa part, la personne qui lui faisait visite, jusqu’à ce que Mme Varden, plus vigilante que les autres, eût prié Sim Tappertit d’ouvrir la porte vitrée et de faire entrer le gentleman. Et notez que la bonne dame ne fut pas fâchée de trouver son mari en faute, pour lui faire une bonne morale à propos de rien, sur ce que, par exemple, prendre le matin une gorgée de petite bière, c’était une coutume pernicieuse, irréligieuse et païenne, dont les délices devaient être laissées à des pourceaux, à Satan, ou du moins aux sectateurs du pape, et faire horreur aux justes comme une œuvre de crime et de péché. Elle allait sans aucun doute pousser son admonition beaucoup plus loin ; elle y eût rattaché une longue liste de préceptes d’une valeur inestimable, si le jeune gentleman, dont l’attitude était quelque peu gênée et décontenancée pendant qu’elle sermonnait son mari, ne l’eût engagée à conclure prématurément.

« Vous m’excuserez, monsieur, j’en suis bien sûre, dit Mme Varden en se levant et lui faisant des révérences. Varden est si irréfléchi, et il a tellement besoin qu’on lui rappelle…. Sim, apportez une chaise. »

M. Tappertit obéit avec un geste plein d’une noble fierté, qui semblait dire qu’il ne voulait pas la refuser, mais qu’il protestait contre cet attentat à sa dignité.

« Vous pouvez vous en aller, Sim, » dit le serrurier.

M. Tappertit obéit encore, mais toujours sous réserve de protestation ; et en retournant à l’atelier, il commença sérieusement à craindre qu’il ne fût obligé d’en venir à empoisonner son maître avant la fin de son apprentissage.

Pendant ce temps, Édouard répondit aux révérences de