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CHAPITRE XVII.

C’était une nuit glaciale, et dans la salle à manger de la veuve il n’y avait presque plus de feu. L’inconnu, son compagnon, l’assit sur une chaise, se baissa devant les braises à moitié éteintes, et, les ayant réunies et rassemblées, les éventa avec son chapeau. De temps en temps il lui jetait un coup d’œil par-dessus son épaule, comme pour s’assurer qu’elle demeurait tranquille et ne faisait aucune tentative de fuite ; puis, le coup d’œil jeté, il ne s’occupait plus que du feu.

Ce n’était pas sans raison qu’il prenait toute cette peine, car ses vêtements étaient tout trempés, ses dents claquaient, et il frissonnait de la tête aux pieds. Il avait plu très fort durant la nuit précédente et quelques heures le matin ; mais, à partir de l’après-midi, il avait fait beau. En quelque lieu qu’il eût passé les heures ténébreuses, son état témoignait suffisamment qu’il en avait passé la plus grande partie en plein air. Souillé de boue, ses habits saturés d’eau s’attachant à ses membres dans une étreinte humide, sa barbe non faite, sa figure sale, les joues maigres et creuses, il est douteux qu’il existât un être plus misérable que cet homme accroupi sur le foyer de la veuve, et surveillant les progrès de la flamme avec des yeux injectés de sang.

Elle avait couvert de ses mains sa figure ; il semblait qu’elle craignît de regarder de son côté. Ils restèrent ainsi pendant quelques moments en silence. Jetant derechef un coup d’œil autour de lui, il demanda enfin :

« Est-ce votre maison ?

— C’est ma maison. Pourquoi, au nom du ciel, venez-vous l’attrister ?

— Donnez-moi à manger et à boire, répondit-il d’un ton bourru, ou je ferai bien pis. Je suis glacé jusqu’à la moelle des os par l’humidité et par la faim. Il me faut de la chaleur et de la nourriture, et il me les faut ici.

— C’est vous qui étiez le voleur de la route de Chigwell ?