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BARNABÉ RUDGE

— Je serai clair et bref, dit Édouard.

— Ne dites pas que vous le serez, mon bon garçon, répliqua son père en croisant ses jambes, ou vous ne le serez certainement pas. Vous disiez donc…

— Simplement ceci alors, dit le fils d’un air de profonde affliction, que je sais où vous étiez hier soir, parce que j’y étais moi-même, voyez-vous. Je sais qui vous y avez vu et ce que vous y alliez faire.

— Est-il possible ! cria son père. Je suis enchanté de l’apprendre ; cela nous épargne l’ennui, les tiraillements d’une explication, et c’est un grand soulagement pour nous deux. Quoi ! à l’auberge ? Que n’êtes-vous donc monté ? J’aurais été charmé de vous voir.

— Je savais que ce que j’avais à vous dire serait mieux dit après une nuit de réflexion, quand nous serions tous deux à nous parler plus froidement, répliqua son fils.

— Devant Dieu, Ned, riposta le père, j’étais assez froidement hier soir. Ce détestable Maypole ! Il faut que ce soit quelque infernale invention de celui qui l’a construit, il tient le vent et le garde frais. Vous vous rappelez ce vent d’est si âpre, et qui soufflait si fort il y a cinq semaines ? Je vous en donne ma parole d’honneur, il avait élu domicile hier soir dans cette masure, quoiqu’il y eût au dehors calme plat. Mais vous alliez me dire…

— J’allais vous dire, Dieu sait avec quelle sérieuse conviction, que vous avez fait mon malheur, monsieur. Voulez-vous m’écouter un moment et sérieusement ?

— Mon cher Ned. dit son père, je vous écouterai volontiers avec la patience d’un anachorète. Ayez l’obligeance de me passer le lait.

— J’ai vu hier soir Mlle Haredale, reprit Édouard après avoir accédé à cette requête ; son oncle, en sa présence, immédiatement après votre entrevue, et, comme je suis forcé de le reconnaître, en conséquence de votre accord, m’a défendu sa maison, et, avec des circonstances outrageantes qui, j’en suis sûr, sont votre ouvrage, il m’a sommé de sortir à l’instant.

— Je ne suis nullement responsable, je vous en donne ma parole d’honneur, Ned, dit son père, de ses façons d’agir à votre égard. En cela, il vous faut l’excuser ; c’est un vrai rus-