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BARNABÉ RUDGE

jardin, et l’introduisit sans retard. Il se précipita le long de l’allée de la terrasse, et monta comme une flèche un large perron menant à une antique et sombre salle, dont les murailles étaient ornées de panoplies couvertes de rouille, de bois de cerfs, d’instruments de chasse, et d’autres décorations de ce genre. Il fit là une pause, mais pas longue : car, au moment où il regardait autour de lui, comme s’il eût pensé que la servante dût le suivre, et qu’il s’étonnât qu’elle ne l’eût pas fait, une personne parut, fille charmante, dont la tête aux noirs cheveux reposa bientôt sur sa poitrine. Presque au même instant, une main pesante saisit le bras de cette jeune fille, Édouard se sentit rudement écarté : M. Haredale était là entre eux.

Il fixa sur le jeune homme un œil sévère, sans ôter son chapeau ; d’une main il étreignit sa nièce, et, de l’autre, qui tenait sa cravache, il montra la porte à Édouard. Celui-ci, dans une fière attitude, le regarda fixement à son tour.

« C’est fort beau de votre part, monsieur, de corrompre mes domestiques, et d’entrer chez moi de votre chef et clandestinement comme un voleur ! dit M. Haredale. Sortez d’ici, monsieur, et n’y revenez plus jamais.

— La présence de Mlle Haredale, répliqua le jeune homme, et votre parenté avec elle, vous donnent un droit dont vous n’abuserez pas, si vous êtes un homme de cœur. C’est vous qui m’avez contraint à ces entrevues secrètes, et la faute en est à vous, non pas à moi.

— Ce n’est ni généreux ni honorable, ce n’est pas le fait d’un galant homme, riposta l’autre, de chercher à surprendre l’affection d’une jeune fille, faible et confiante, tandis que vous avez l’indignité de vous dérober à la surveillance de son tuteur, de son protecteur, et que vous n’osez pas venir à vos rendez-vous en plein jour. Je ne vous en dirai pas davantage ; mais, je vous le répète, je vous défends l’entrée de cette maison, et vous somme de sortir.

— Ce n’est ni généreux ni honorable, ce n’est pas le fait d’un galant homme de jouer le rôle d’espion ! dit Édouard. Vos paroles attaquent mon honneur, et je les rejette avec le mépris qu’elles méritent.

— Vous trouverez, dit M. Haredale d’un ton calme, votre fidèle entremetteur qui vous attend à la porte par la-