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BARNABÉ RUDGE

ment que jamais ? Ha, ha, ha ! n’est-ce pas, Joe ? Tiens ! qu’est-ce que nous avons là Joe, un bouquet ?

— De bien pauvres fleurs, monsieur ; je pensais que Mlle Dolly….

— Non, non, dit Gabriel, baissant la voix et secouant la tête, pas Dolly. Donnez-les à sa mère, Joe. Il vaut beaucoup mieux les donner à sa mère. Ça ne vous contrarie pas de les donner à Mme Varden, Joe ?

— Oh ! non, monsieur, répliqua Joe en cherchant, mais sans beaucoup de succès, à cacher son désappointement. J’en serais charmé, je vous assure.

— Très bien, dit le serrurier en le frappant doucement sur le dos. Peu vous importe qui les aura, n’est-ce pas, Joe ?

— Oh ! oui, monsieur. »

Cher cœur, comme ces mots s’attachèrent à sa gorge !

« Entrez, dit Gabriel ; on vient justement de m’appeler pour le thé. Elle est dans la salle à manger.

— Elle ! pensa Joe. Laquelle des deux, je ne sais ; madame ou mademoiselle ? » Le serrurier éclaircit son doute avec autant d’à propos que s’il l’eût entendu formuler à haute voix, en le menant à la porte et disant : « Ma chère Marthe, voici M. Willet fils. »

Mme Varden, regardant le Maypole comme une espèce de souricière humaine, ou de traquenard pour les maris ; considérant son propriétaire, et tous ses aides et suppôts, comme autant de braconniers à l’affût des chrétiens ; et croyant d’ailleurs que les publicains accouplés avec les pécheurs dans l’Écriture sainte étaient de véritables aubergistes patentés, parce qu’ils tenaient des maisons publiques, était loin d’être disposée favorablement à l’égard du jeune homme qui lui rendait visite. Aussi fut-elle sur-le-champ prise d’une faiblesse ; et, lorsque les crocus et les perce-neige lui eurent été dûment présentés, elle devina, en y réfléchissant, que c’étaient eux qui étaient la cause de cette pâmoison qui avait accablé ses sens. « Je craindrais de ne pouvoir supporter l’atmosphère de la salle une minute de plus, dit la bonne dame, s’ils demeuraient ici. Voulez-vous bien m’excuser de les mettre en dehors de la fenêtre ? »

Joe la pria de vouloir bien se dispenser de toute excuse, et sourit faiblement lorsqu’il vit ses fleurs mises sur l’allége