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BARNABÉ RUDGE

— Monsieur, c’est tout à fait un animal, chuchota John à l’oreille de son hôte avec dignité. Vous l’excuserez, certainement. S’il a une espèce d’âme, ce doit être si peu que rien, et ce qu’il fait ou ne fait pas sur ce point n’importe guère. Bonsoir, monsieur.

M. Chester répliqua : « Dieu vous bénisse ! » avec une ferveur des plus touchantes ; et John, faisant signe à ses gardes du corps d’aller devant, sortit de la chambre après une révérence, et laissa l’hôte libre de reposer dans l’antique lit du Maypole.



CHAPITRE XIII.

Si Joseph Willet, le jeune homme dénoncé aux Apprentis et proscrit par eux, s’était trouvé à la maison quand l’hôte courtois de son père se présenta devant la porte du Maypole, c’est-à-dire si ce n’avait pas été, par une malice du sort, une des six fois de l’année entière dans lesquelles il était libre de s’absenter tout le jour durant sans question ni reproche, il serait parvenu, de manière ou d’autre, à plonger au fin fond du mystère de M. Chester, et à pénétrer son dessein avec la même certitude que s’il eût été son confident et conseiller. Dans cet heureux cas, les amants auraient été vite avertis des maux qui les menaçaient, et aidés, par-dessus le marché, de diverses inspirations aussi sages qu’opportunes ; car Joe, en pensées comme en actions, tenait toutes ses sympathies et ses meilleurs souhaits à la disposition de nos jeunes gens, et était fermement dévoué à leur cause. Cette disposition provenait-elle de ses anciennes préventions en faveur de la jeune demoiselle, dont l’histoire l’avait environnée dans son esprit, presque au sortir du berceau, de circonstances d’un intérêt extraordinaire ; ou de son attachement au jeune monsieur dans la confidence duquel il s’était presque imperceptiblement glissé, par son esprit subtil et ses vives allures, ainsi qu’en lui rendant plusieurs services d’importance comme éclaireur et comme messager ? que