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BARNABÉ RUDGE

CHAPITRE XII.

Il y eut une courte pause dans la chambre de cérémonie du Maypole, pendant le temps que M. Haredale essaya la serrure pour s’assurer qu’elle était bien fermée, et, traversant à grands pas la sombre pièce jusqu’à l’endroit où le paravent entourait une petite place de lumière et de chaleur, il se présenta, brusquement et en silence, devant l’hôte souriant.

Si ces deux hommes n’avaient pas plus de sympathie dans leurs pensées intimes que dans leur extérieur, leur entrevue ne promettait pas d’être très calme ni très agréable. Sans qu’il y eût entre eux une grande différence d’âge, ils étaient sous tous les autres rapports aussi dissemblables et aussi opposés l’un à l’autre que deux hommes peuvent l’être. L’un avait la parole douce, une forme délicate, une correcte élégance ; l’autre, corpulent, carré par la base, négligemment habillé, rude et brusque dans ses façons, d’un aspect sévère, avait, en son humeur actuelle, un regard aussi maussade que son langage. L’un gardait un calme et tranquille sourire ; l’autre, un froncement de sourcils plein de méfiance. Le nouveau venu, véritablement, semblait s’appliquer à faire voir par chacun de ses accents et de ses gestes son antipathie décidée et son hostilité systématique contre l’homme qu’il venait trouver. Celui-ci semblait sentir que le contraste était en sa faveur, et puiser dans cet avantage un contentement paisible qui le mettait plus à son aise que jamais.

« Haredale, dit ce monsieur sans la moindre apparence d’embarras ou de réserve, je suis charmé de vous voir.

— Trêve de compliments. Ils sont déplacés entre nous, répliqua l’autre en agitant sa main. Dites-moi simplement ce que vous avez à me dire. Vous m’avez demandé une entrevue. Me voici. Pourquoi nous retrouvons-nous face à face ?

— Toujours, à ce que je vois, le même caractère franc et impétueux !