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BARNABÉ RUDGE

une grande tache perça encore, et se montra à l’ancienne place. Et… Écoutez ; approchez-vous. M. Geoffroy Haredale fit de cette chambre son cabinet d’étude, et c’est là qu’il s’assoit, ayant toujours (à ce que j’ai entendu dire) son pied sur la tache, parce qu’il a la conviction, après y avoir longtemps et beaucoup pensé, que jamais elle ne s’effacera qu’il ne découvre l’homme qui commit le crime. »

Ce récit finissait, et ils se rapprochaient tous du feu en cercle, lorsque retentit au dehors le piétinement d’un cheval.

« C’est lui ! cria John, se levant avec précipitation. Hugh ! Hugh ! »

Le dormeur bondit sur ses pieds, tout chancelant, et s’élança derrière son maître.

John revint presque aussitôt, introduisant avec des marques d’extrême déférence (car M. Haredale était son propriétaire) le visiteur longtemps attendu. Celui-ci entra à grands pas dans la salle, en faisant résonner ses grosses bottes sur le carreau ; il parcourut d’un œil perçant le groupe qui le saluait, et il souleva son chapeau pour reconnaître leur hommage de profond respect.

« Vous avez ici, Willet, un étranger qui m’a envoyé quelqu’un, dit-il d’une voix dont le timbre était naturellement grave et sévère. Où est-il ?

— Dans la grande chambre d’en haut, monsieur, répondit John.

— Conduisez-moi. Votre escalier est sombre, autant que je me rappelle. Messieurs, bonsoir. »

En disant cela, il fit signe à l’aubergiste d’aller devant ; et, lorsqu’il sortit de la salle, on entendit résonner ses bottes sur l’escalier. Le vieux John, dans son agitation, éclairait ingénieusement tout autre chose que le chemin, et trébuchait à chaque pas.

« Arrêtez ! lui dit M. Haredale, quand ils eurent atteint le palier. Je peux m’annoncer moi-même. Je n’ai plus besoin de vous. »

Il mit la main sur la porte, entra, et la referma pesamment. M. Willet n’était pas du tout disposé à rester là tout seul pour écouter, d’autant plus que les murs étaient fort épais. Il descendit donc plus vite qu’il n’était monté, pour aller rejoindre en bas ses amis.