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BARNABÉ RUDGE

ruine, et vides. Cette habitation passait pour avoir été construite à l’époque de Henry VIII, et il existait une légende comme quoi non-seulement la reine Élisabeth, durant une excursion de chasse, avait couché là une nuit, dans une certaine chambre à boiseries de chêne avec fenêtre à large embrasure, mais encore comme quoi le lendemain, debout sur un montoir devant la porte, un pied à l’étrier, la vierge monarque avait donné deçà et delà force coups de poing et force soufflets à un pauvre page pour quelque négligence dans son service. Les gens positifs et sceptiques, en minorité parmi les habitués du Maypole, comme ils le sont malheureusement dans chaque petite communauté, inclinaient à regarder cette tradition comme un peu apocryphe ; mais quand le maître de l’antique hôtellerie en appelait au témoignage du montoir lui-même, quand d’un air de triomphe il faisait voir que le bloc était demeuré immobile à sa propre place jusqu’au jour d’aujourd’hui, les douteurs ne manquaient jamais d’être terrassés par une majorité imposante, et tous les vrais croyants triomphaient de leur défaite.

Que ces récits, et beaucoup d’autres du même genre, fussent authentiques ou controuvés, le Maypole n’en était pas moins réellement une vieille maison, une très-vieille maison, aussi vieille peut-être qu’elle prétendait l’être, peut-être même plus vieille, ce qui arrive parfois aux maisons d’un âge incertain tout comme aux dames d’un certain âge. Ses fenêtres avaient de vieux carreaux à treillis, ses planchers étaient affaissés et inégaux, ses plafonds étaient noircis par la main du temps et alourdis par des poutres massives. Au-dessus de la porte et du passage était un ancien porche sculpté d’une façon bizarre et grotesque ; c’est là que, les soirs d’été, les pratiques favorites fumaient et buvaient, et chantaient aussi, pardieu ! quelquefois mainte bonne chanson, en se reposant sur des sièges à dossier élevé, de mine rébarbative, qui, semblables à des dragons jumeaux de je ne sais plus quel conte de fée, gardaient l’entrée du manoir.

Dans les cheminées des chambres hors d’usage, les hirondelles maçonnaient leurs nids depuis de bien longues années, et, du commencement du printemps à la fin de l’automne, des colonies entières de moineaux gazouillaient au bord des toits et des gouttières. Il y avait, dans la cour de la sombre écurie