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— On le retrouvera, tante Mimie. En attendant, grave-toi bien dans l’œil la forme de cette ouverture, car j’ai dans l’idée que la première chose que feront l’oncle Gaspard et son ami Thomas sera d’enlever cette planche pour en mettre une autre…

— Tu as raison, petit. Mais la planche primitive, avec son trou à cinq pointes restera gravée dans ma mémoire.

— Bon. C’est tout pour ici. Voyons maintenant où la chaloupe a frappé… Tiens, c’est là… Regarde un peu ce rocher à fleur de sable… Il est vieux, jaune et sale partout, excepté en un endroit, — tiens, vois-tu ?

— En effet, il y a là une cassure fraîche… On dirait qu’on vient de briser la partie qui manque.

— C’est cette partie du rocher qu’il nous reste à retrouver. Je m’en charge. Tu vas voir qu’on est bien heureux parfois d’être venu au monde dans la peau d’un sauvage.

Mimie eut un faible sourire et suivit son guide vers la côte.

Celui-ci commença par examiner soigneusement les pistes des pieds nus sur le sable.

C’était un enchevêtrement, à n’y rien comprendre.

Mais, de ce réseau de pistes, s’en détachaient deux dans la direction de la falaise : une y allant, l’autre en revenant.

— Suivons ces pistes, dit Wapwi à sa compagne.

Mimie emboîta le pas de son petit protégé, et tous deux, l’un suivant l’autre, se dirigèrent vers la lisière de forêt bordant le rivage.

Mais, une fois sous bois, la jeune fille s’arrêta, bien empêchée de savoir quel côté prendre.

— Laisse-moi faire, petite tante, dit l’enfant… C’est ici que Wapwi va redevenir Abénaki pour quelques minutes.

Alors, le descendant des aborigènes du golfe, penché vers le sol, examina chaque brin d’herbe couché sous une pression quelconque, chaque menue branche, chaque rameau froissé ou déplacé…

Et il allait, il allait, lentement, mais avec une quasi-certitude.

Arrivé à quelques pieds de la falaise, il avisa une grosse talle de jeunes sapins touffus.

— Hum ! dit-il à Mimie, je crois bien que la cache est ici… Tiens, vois : les pistes ne vont pas plus loin.

Ce disant, il se mit à plat ventre et se coula sous les branches basses, à fleur de terre.

Dix secondes ne s’étaient pas écoulées, qu’il reparut, tenant à la main une pointe de pierre, très aiguë et affectant la forme pyramidale.

— Voici le talisman pour confondre l’oncle Gaspard, dit-il en présentant la chose à Mimie.

Celle-ci prit dans ses mains le fragment de rocher, l’examina un instant, puis le remit à Wapwi, en disant d’une voix ferme :

— Si cette pierre, dont la cassure est fraîche, s’adapte à la partie du rocher qui présente, lui aussi, une cassure fraîche, Gaspard Labarou est un assassin, et je vengerai mon frère !

— Bien, petite tante. Allons voir ça.