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— Je vous comprends et je vous plains beaucoup, répondit Thomas Noël, d’un ton pénétré. Mais il ne faut pas désespérer avant le temps… Puisque Gaspard a pu prendre terre, il est à croire que son cousin a dû, lui aussi, se tirer d’affaire… Seulement il est peut-être plus malmené et sur quelque rivage éloigné… Faudrait voir !

— Oui, oui, père, appuya Mimie, se raccrochant à cette supposition fort plausible.

— En effet, vous avez raison, Thomas, dit Jean Labarou. Le bon Dieu, s’il a voulu en sauver un des deux, n’a pas dû abandonner l’autre. Il sera toujours assez tôt pour pleurer.

— D’autant plus que pleurer n’avance à rien, reprit philosophiquement Thomas. J’ai toujours entendu dire à défunt mon père que mieux vaut agir que gémir. Agissons donc… D’abord, je vous offre mes services, c’est-à-dire ma barque et ma personne, pour faire une exploration minutieuse de la côte, à l’ouest de la baie.

— Merci, merci, dit Jean. J’accepte votre aide avec reconnaissance.

— … Puis, acheva Thomas, permettez-nous de soigner nous-mêmes ce blessé, qui vous embarrassera beaucoup, ayant déjà sur les bras une malade bien précieuse…

— Quoi, vous consentiriez ?…

— Oui, je me charge de l’ami Gaspard… Nous lui devons bien cela, après les services qu’il nous a rendus comme charpentier et aussi, bien des fois, comme pêcheur.

— Faites à votre guise, voisin, puisque vous êtes assez obligeant pour accepter cette charge.

— Nous ferons de notre mieux… D’ailleurs, la maman Noël, qui est un peu médecin, tirera bientôt ce brave garçon d’affaire… Donc, c’est dit, et comptez sur nous pour une expédition à la recherche d’Arthur, dès tout à l’heure, au montant, — si toutefois nous avons pu tirer quelque indication du malade.

Cela dit, Thomas prit sans cérémonie Gaspard dans ses bras et réussit à l’embarquer, sans trop de résistance.

Puis il s’éloigna de la rive, en serrant d’assez près le fond de la baie, à cause de la houle et du vent.

Les Labarou, de leur côté, reprirent le chemin de leur habitation, Jean portant toujours sa femme, qui avait repris ses sens, mais semblait frappée de catalepsie.

Mimie et le petit sauvage suivaient, d’un peu loin, en causant avec animation.

XXI

OÙ LE « POLICIER » WAPWI PROUVE QU’IL A « DU NEZ »


— Ainsi, tu crois encore qu’Arthur a pu se sauver ? disait la jeune fille, la figure angoissée, mais les yeux brillant d’une lueur d’espoir.

— Petite tante, c’est lui que j’ai vu ; c’est sa voix qui a crié…

— N’est-ce pas une illusion de tes sens ?… Il faisait bien noir et la mer devait mener un dur tapage !…