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Une congestion de cerveau vient-elle de se déclarer ?

Gaspard, lui aussi, va-t-il mourir, en ce jour fatal ?…

Mais un nouveau personnage surgit, qui va peut-être jeter un peu de lumière au sein de ces ténèbres.

C’est le petit sauvage.

— Oh ! Wapwi, viens vite ! s’écrie Mimie, la première… As-tu des nouvelles ?… Où est ton maître ?

Avant de répondre, Wapwi s’approche de Gaspard, qui se débat en proie à une crise terrible.

Un demi-sourire erre sur les lèvres de l’enfant. — On dirait un rictus de jeune tigre.

Il ouvre la bouche pour parler ; mais il semble se raviser en voyant la mère Hélène presque inanimée dans les bras de son mari.

D’un geste câlin, il prend la main de la pauvre femme et la pose sur son front.

Cela voulait dire : « Pauvre grand-mère, Wapwi a bien du chagrin de te voir souffrir, mais il a fait son devoir, lui, et est encore digne de ta bénédiction… Ne désespère pas ! »

Puis, regardant Jean Labarou, il dit à voix basse :

— Wapwi sait quelque chose… Wapwi parlera à la maison.

— Ah ! fit Jean, un peu soulagé. — Mais pourquoi pas tout de suite !

L’enfant jeta un regard singulier sur Gaspard, toujours en proie au délire et murmura :

— Trop de monde !

— Allons ! fit Jean.

Mais que faire de Gaspard ?… Comment le transporter ?

Un incident vint fort à propos tirer tout le monde d’embarras.

Comme on se regardait, d’un air très ennuyé, une petite embarcation, venant de l’est, abordait à quelques perches du groupe formé autour des deux malades.

Thomas Noël en descendit.

Dandinant son grand corps maigre, il s’avança aussitôt, la casquette à la main…

— Pardon, excuse, dit-il… Comme il y a eu gros vent cette nuit, je venais savoir… c’est-à-dire m’informer si tout le monde se porte bien et…

Puis, apercevant la mère Hélène, couchée sur le bras de Jean, et Gaspard gesticulant, adossé à un monticule de la rive :

— Tiens ! tiens ! fit-il avec une certaine émotion, qu’est-ce que j’aperçois là ?… Monsieur Gaspard couvert de sang, et madame, comme qui dirait en syncope !

— Voisin, dit gravement Jean Labarou, un grand malheur est arrivé… Les deux enfants ont passé la nuit sur l’îlot, à guetter les canards… Ce matin, il n’en est revenu qu’un, — et voyez dans quel état !… Maintenant, où est l’autre ?… Qu’est-il advenu d’Arthur !… Voilà ce qui a mis ma pauvre femme en l’état où vous la voyez et ce qui nous inquiète par-dessus tout…