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La veille même de cette journée qui devait s’ouvrir par une catastrophe si terrible, — le drame de l’îlot, — Wapwi, muni de quelques provisions de bouche, chaussé de solides mocassins et armé d’un bon gourdin, quitta furtivement l’appentis où il couchait et se dirigea vers le fond de la baie.

Une sorte de radeau, fait de deux pièces de bois liées par des traverses, lui servit de bac pour traverser sur la rive est.

On avait improvisé ce bac primitif, depuis l’accident.

Ayant atteint sans encombre l’autre rive, Wapwi coupa droit devant lui, se réservant d’observer le contour de la pointe, à son retour, si la chose était nécessaire.

Au reste, comme nous l’avons dit, les deux plages intérieures de la baie avaient déjà été explorées minutieusement ; et, puisque la passerelle ne s’était pas échouée là, c’est que le courant l’avait entraînée bien plus loin.

Une saillie de la côte vue du large se projetait dans la mer, à une quinzaine de milles en aval, — un peu plus loin que l’endroit, bien connu de Wapwi, où les Micmacs avaient campé, deux ans auparavant.

Si les deux bouts de la passerelle ne se trouvaient pas là, ils avaient dû gagner le golfe ou le détroit.

Inutile alors de se morfondre à les chercher.

Le mystère resterait insoluble, et Arthur serait toujours en butte à quelque tentative nouvelle, — d’autant plus qu’il ne croyait pas à la culpabilité de son cousin.

C’est ce sentiment de trompeuse sécurité qu’il fallait arracher, d’une main prudente, quoique sûre, de l’esprit du jeune homme.

Une fois sur ses gardes, « petit père » saurait bien parer les coups.

Voilà ce que se disait, depuis quelques jours, l’ingénieux enfant, et voilà aussi ce qu’il se répétait, ce matin-là, tout en trottinant comme un renard en quête de son déjeuner.

C’était loin, sans doute, cette langue de terre entrevue là-bas, allongée et noire de sapins… Mais il comptait bien y arriver avant midi.

Une heure lui suffirait pour ses recherches ; une autre heure, pour se reposer.

Ensuite, il reviendrait et trouverait bien le moyen de regagner sa soupente, avant la marée haute.

L’événement justifia ses prévisions.

Le soleil n’était pas au milieu de sa course, que le petit Abénaki s’engageait sur la courbe que décrit la grève pour enserrer la pointe suspecte.

Vue de près, cette langue de terre est bien plus élevée qu’on ne le croirait en l’observant de la baie.

Des rochers considérables en composent l’ossature, et des sapins d’assez belle venue lui font un agréable vêtement.

Mais Wapwi, familiarisé d’ailleurs avec les aspects variés de cette étrange côte du Labrador, n’eut bientôt d’yeux que pour deux