qu’un en train de se décider à faire un mauvais coup, mais hésitant à franchir le Rubicon qui le sépare du crime.
Si Arthur, moins affairé, eût pu l’observer, il aurait certes été forcé de remarquer son attitude étrange, ses yeux flamboyants, ses poings crispés…
Qui sait !…
Peut-être aurait-il pu éviter la catastrophe que l’autre « organisait » à son intention.
Mais il songeait bien à cela, vraiment !
Sa pensée, jeune et chaude, s’élançait par delà la baie, franchissait le seuil du chalet blanc, traversait la grande cuisine et s’arrêtait dans une chambre assombrie par la nuit, où reposait à cette heure même la pure jeune fille qu’il aimait.
Enfin, tout étant « paré », Gaspard, qui retenait l’embarcation prête à quitter le rivage, dit à son cousin, occupé à fureter encore ci et là :
— Ah ! ça ! Arthur… Et ton capot ciré, vas-tu le laisser ici, par hasard ?
— Il n’est pas dans la chaloupe ?
— Mais non, te dis-je… Monte vite là-haut. Tu l’as oublié… Surtout, ne flâne pas.
Ce disant, sans même se retourner, le misérable donna une vigoureuse poussée à l’embarcation et sauta dedans.
Quand Arthur, entendant un bruit de rames heurtées, se retourna, la chaloupe se trouvait déjà à un arpent de l’îlot, entraînée par la tourmente qui se déchaînait dans toute sa fureur.
Le pauvre garçon ne put que lever vers le ciel ses bras impuissants, pendant que sa voix gémissait dans un sanglot :
— Gaspard, mon frère !…
— Ne te désole pas ! lui cria Gaspard, ricanant comme Méphisto. Je cours voir quelle est la belle somnambule qui te fait des signaux la nuit… Adieu, mon très cher cousin !
— Gaspard ! Gaspard !! apporta encore aux oreilles du fratricide la brise vengeresse…
Puis ce fut tout.
L’îlot disparut dans la brume, et les cris dans le fracas de la tourmente.
XVIII
APRÈS LE CRIME
Le fanal tourné en cercle, pendant la nuit du drame, était bien un signal.
Seulement, ce n’était pas une main de femme qui le levait, ce fanal.
Gaspard eût-il connu ce détail, que peut-être le démon de la jalousie ne l’eût pas mordu aussi cruellement.
Mais le coup était fait, — le coup, longtemps, mais confusément