Page:Dick - Un drame au Labrador, 1897.djvu/55

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— C’est mon dernier mot, monsieur !

—  Peut-être changerez-vous d’avis bientôt…

—  Que voulez-vous dire ?

— Rien autre que ce que je dis, Suzanne Noël. Sur ce, je vous souhaite le bonsoir.

— Adieu, monsieur.

Gaspard fit un pas pour s’éloigner. Mais il avait encore une vilenie sur le cœur :

— À propos, dit-il en persiflant, je ne veux pas, vous savez, que mon cousin vous donne mon nom de Labarou, qui est un nom honnête, celui-là. C’est madame Lehoulier, entendez-vous, — un nom taché du sang de votre défunt père, — que vous vous appellerez, une fois mariée.

— Méchant ! murmura Suzanne avec dégoût.

— Canaille ! cria une autre voix, éclatante celle-ci, qui fit tressaillir Gaspard.

Et, avant qu’il eût eu le temps de se reconnaître, Euphémie Labarou, ses beaux cheveux crêpés flottant sur le cou, ses grands yeux bleu d’acier étincelants, tombait debout devant lui.

— Mimie ! s’écria Gaspard, reculant d’un pas.

— Eh bien, oui, c’est moi !… Répète un peu ce que tu viens de dire, grand lâche !

Et, comme le cousin ahuri ne desserrait plus les dents, Euphémie Labarou, se retournant vers Suzanne, lui dit en lui prenant les mains :

— Mademoiselle Suzanne, c’est ma sainte patronne, à coup sûr, qui m’a conduite ici… Je ne vous aimais pas beaucoup ; j’avais des préventions contre vous, à cause de ce garnement-là… Mais, maintenant que je vous ai vue, et surtout entendue, je vais vous chérir comme une sœur. — Le voulez-vous ?

Pour toute réponse, Suzanne se jeta dans les bras de Mimie, et les deux jeunes filles s’embrassèrent plusieurs fois.

Ce qui provoqua chez Wapwi un tel sentiment de plaisir, que le petit sauvage se prit à pirouetter sur les mains et les pieds, comme un vrai clown de cirque.

Gaspard seul ne prit aucune part, cela se conçoit, à l’allégresse commune. Il fit même mine de s’éloigner. Mais Mimie le cloua net sur place, en disant d’un ton qui n’admettait pas de réplique :

— Gaspard, ne t’avise pas de te sauver… Je t’emmène avec moi, tu sais !

Et tel était l’étrange magnétisme exercé par cette singulière fille, que le cousin courba la tête, sans même répliquer.

Il est vrai qu’un éclair de fureur, aussitôt réprimé, illumina un instant ses traits durs.

Mais personne ne s’en aperçut, car les jeunes filles échangeaient leurs adieux.

— Ne vous préoccupez de rien, Suzanne, disait Euphémie Labarou… J’ai rencontré mon père, tout à l’heure, sur la baie… Il revenait d’une entrevue avec votre mère…