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— Et d’où vous a-t-il donc écrit, Yvonne ?

— D’ici même.

— D’ici ?… Il est donc venu ?

— Ne le saviez-vous pas ?

— Je savais que quelqu’un de là-bas est, en effet, débarqué, il y a une quinzaine de jours, en compagnie de votre fils Thomas et de mon neveu Gaspard. C’était donc lui ?

— C’était lui ; et c’est après une longue conversation sur le malheureux événement qui a divisé nos deux familles, que nous en sommes arrivés à la décision qu’il m’écrirait cette lettre… « Avec ce papier, disait-il, vous n’aurez aucune difficulté à convaincre votre voisin qu’une alliance est impossible entre les Noël et les Lehoulier. »

— En effet, madame, les choses se fussent-elles passées comme ce Quetliven les arrange, — pour un but que je ne devine pas bien encore, — que je serais le premier à dire à mon fils : « Embarque-toi, mon gars, et va un peu là-bas faire ton tour de France. »

« Mais je ne veux pas que cet enfant souffre à cause de moi… Aussi, prévoyant ce qui allait arriver, ai-je pris mes précautions… Le missionnaire qui doit nous visiter cet automne, – c’est-à-dire dans un mois au plus, – vous apportera la preuve que les choses se sont bien passées telles que je viens de les raconter.

— Et cette preuve ?…

— Ce sera le témoignage du mort lui-même !

Là-dessus, Jean Lehoulier salua respectueusement la veuve de Pierre Noël et se retira.


XII

OÙ GASPARD ÉPROUVE UNE SURPRISE DÉSAGRÉABLE


Cette journée devait être fertile en événements.

On eût dit vraiment que Cupidon essayait un arc nouveau et des flèches dernier modèle, faisant des blessures incurables.

Vers le milieu de la traversée de la baie, Jean Labarou croisa, à quelques arpents de distance, un canot d’écorce, à la fois solide et léger, qu’une jeune fille « pagayait » avec une sûreté de main incomparable.

— Mais c’est Mimie ! se dit le père, un peu étonné.

Puis, mettant les deux mains autour de sa bouche pour mieux diriger sa voix, il héla :

— Ohé ! là, du canot !

— C’est vous, père ?… répondit-on, pendant que l’aviron s’immobilisait, appuyé sur le plat-bord.

— Oui, c’est moi. Où vas-tu, comme cela, toute seule, dans cette coquille de noix ?… Ce n’est guère prudent !

– Oh ! soyez tranquille, père : je reviendrai tout à l’heure saine et sauve. Je vais voir seulement si ce galopin de Wapwi n’est pas quelque part par là…

— Je ne l’ai pas vu. D’ailleurs, je parierais un beau trois-mâts contre un méchant « sabot » de Quimper, en Bretagne, que ce n’est pas Wapwi qui te fait courir la baie.