I
LES FUGITIFS
Il y a un peu plus d’une cinquantaine d’années, — en face du Grand Mécatina, sur la côte du Labrador, — vivait une pauvre famille de pêcheurs, composée du père, de la mère, de deux enfants (un garçon et une fille), et du cousin de ces derniers.
Le chef de la famille s’appelait Labarou ; le fils, Arthur, et le cousin, Gaspard.
Quant aux deux femmes, l’une répondait au nom de mère Hélène et l’autre au sobriquet de Mimie.
Tout ce petit monde vivait en parfaite intelligence, se contentait de peu et n’avait pas la moindre idée que l’on fût plus heureux ailleurs que sur cette lisière de côte désolée qu’il habitait.
Pour peu que la pêche allât bien, que la tempête ne vînt pas démolir la barque ou abîmer les filets et que le hareng, la morue et le maquereau fissent leur migration au temps voulu, on n’en demandait pas davantage.
L’automne et le printemps, une goélette de cabotage parcourait cette partie de la côte, approvisionnant les pêcheurs échelonnés çà et là, achetait leur poisson et les quittait pour ne revenir qu’à la nouvelle saison navigable.
Quelquefois cette goélette avait à son bord un missionnaire, chargé des intérêts spirituels de cette vaste étendue de pays.
Et cette visite bisannuelle, impatiemment attendue, constituait tout le commerce qu’avait avec le reste de l’humanité la petite colonie de Kécarpoui.