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— Du sang !

Arthur, foudroyé, chancela.

Un moment, la tête penchée, les bras battants, il demeura immobile.

Mais il se secoua aussitôt.

— Adieu ! Suzanne, fit-il virilement. Quand nous nous reverrons, je saurai s’il m’est permis de vous aimer.

— Et ce sera ?… fit Suzanne, anxieuse.

— Demain matin, ici, à la même heure.

— Adieu donc ! Arthur… Ne désespérons pas.

Le jeune Labarou la vit disparaître par le sentier qu’elle avait pris pour revenir.

Un instant plus tard, lui-même redescendait la pente opposée, tout en murmurant :

— Puisse mon père effacer cette tache de sang qui nous sépare !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

— Oui, comptes-y, mon bonhomme ! disait en même temps, in petto, le cousin Gaspard, tout en se tirant, non sans peine, de sa cachette embroussaillée.

Puis le traître ajouta :

— Nom d’une baleine ! quelle posture fatigante j’avais là ! Tout de même, si j’ai mal aux jambes, mon cher cousin doit avoir mal au cœur, lui !

Et il se glissa derrière Suzanne, évitant avec soin de se laisser voir.


XI

LE MEURTRIER ET LA VEUVE


Environ vers six heures de cette même matinée, une légère embarcation traversait la baie, de l’ouest à l’est.

Elle atterrit en face du Chalet.

Un homme d’une cinquantaine d’années, barbe et teint bruns, chevelure grisonnante, sauta sur le rivage, où il s’occupa aussitôt à fixer solidement le grappin de l’embarcation.

Puis, cela fait, il se dirigea lentement, le front penché, vers le chalet, dont les murs blanchis à la chaux ressortaient, à une couple d’arpents du rivage, au milieu des arbres.

Arrivé en face de la porte d’entrée, regardant l’ouest, il frappa deux coups…

Une voix de l’intérieur répondit…

L’homme entra.

— Jean Lehoulier ! s’écria la maîtresse du logis, en reculant de deux pas.

— Moi-même, Yvonne Garceau !

— Que voulez-vous ?… Que venez-vous faire ici ?…

— Je viens dire à la veuve de Pierre Noël : Oublions tous deux la scène du 15 juin 1840 et ne faisons pas porter à nos enfants le poids des fautes de leurs pères.