Page:Dick - Un drame au Labrador, 1897.djvu/42

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Pourquoi Suzanne elle-même, l’air triste et les paupières rougies, lui avait-elle fait un geste d’adieu désespéré, la dernière fois qu’il l’avait aperçue dans une fenêtre du Chalet ?…

D’où venait la mine soucieuse de sa mère, à lui, et la sombre préoccupation de son père, surtout depuis ces jours derniers ?…

Autant de mystères à pénétrer.

Autant de problèmes à résoudre.

Arthur avait bien l’intuition que quelque chose se passait hors de sa connaissance et qu’il était le pivot autour duquel s’enroulait le fil de certains petits événements se succédant coup sur coup depuis quelques jours.

Mais quelle était la tête d’où sortait tout cela, la main mystérieuse qui tissait autour de son bonheur cette toile d’araignée dont les mille mailles guettaient chacun de ses pas ?…

La veille au soir, seul avec sa sœur et ses parents, il avait ouvert son cœur à deux battants, narré par le menu l’histoire courte et naïve de ses amours ; il leur avait fait part de son ardent désir d’épouser Suzanne, aussitôt la venue du missionnaire, — en septembre prochain…

Mimie avait battu des mains…

La mère Hélène s’était détournée pour essuyer une larme…

Quant au père Labarou, plus sombre que jamais, il s’était promené longtemps dans la cuisine, sans répondre, puis avait fini par faire un geste résolu et dire :

— Il faut que cette situation s’éclaircisse et que la lumière se fasse ! Pas plus tard que demain, mon fils, je me rendrai chez la veuve de Pierre Noël, et ton sort se décidera !

Arthur avait remercié son père et, au petit jour, couru sur le plateau boisé, dominant la passerelle, dans l’espoir d’avoir plus tôt des nouvelles, ou du moins de faire part à Suzanne de ses espérances.

Il en était là !…

Suzanne allait venir !!

Elle venait !!!

En effet, un pas léger froissait les feuilles sèches tapissant le flanc du cap…

La ramure s’agitait…

Une minute encore, et Suzanne parut !

Elle semblait fort animée, la belle Suzanne.

Ses joues rougies, l’éclat de ses yeux et la sueur qui perlait à son front disaient haut qu’elle avait couru et que l’émotion la dominait.

— Arthur ! cher Arthur, fit-elle en tendant ses deux mains au jeune homme.

— Oh ! Suzanne ! ma Suzanne ! vous voilà enfin ! répondit Arthur, s’emparant des mains qui s’offraient et y collant ses lèvres.

— Quelle imprudence vous me faites commettre !

— Je ne vivais plus, Suzanne. Songez-y : ne plus vous voir !

— Et moi donc, est-ce que j’étais aux noces ?… Ah ! comme j’ai souffert !

— Pauvre Suzette ! Là, vrai, vous avez pensé un peu à l’abandonné ?