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— Oui, oui, frère… Et, avec cela, si bon, si complaisant, si aimable !

— Tiens, tiens, fillette !… fit madame Noël, tu as déjà trouvé le moyen de remarquer chez lui toutes ces qualités-là ?

La jeune fille rougit et murmura, un peu confuse :

— Dame, mère, vous avez dû vous-même…

— Si, si, ma fille. Jusqu’à plus ample informé, je le tiens pour un excellent garçon.

— Et un bon camarade ! renchérit Louis.

— Comme son cousin… pas moins, mais pas plus, rectifia l’entêté Thomas.

La conversation en resta là sur ce sujet, et, après d’autres propos sans intérêt pour le lecteur, la famille Noël s’alla coucher.

Pendant ce temps, chez les Labarou, une scène analogue se passait.

Le père, distrait et songeur, fumait sa pipe près d’une croisée ouverte.

La mère et la fille, toujours occupées, tricotaient et cousaient autour d’une grande table de bois blanc, dressée au milieu de la pièce servant à toutes fins : cuisine, salle à manger et salon de réception.

En face d’elles, Arthur, la main droite enveloppée et le coude appuyé sur la table, avait fort à faire pour répondre aux questions multiples des deux femmes.

Quant à Gaspard, dissimulé dans l’ombre projetée par l’abat-jour de la lampe, il fumait, silencieusement, répondant seulement par monosyllabes quand on lui adressait la parole.

Inutile de se demander de quoi l’on parlait et qui tenait le dé de la conversation !

C’étaient les femmes, naturellement, mais surtout la plus intéressée des deux : Euphémie, ou plutôt Mimie, — car on ne l’appelait pas autrement dans la famille.

Cette jeune fille, quand on ne lui voyait que la tête, était vraiment délicieuse… Elle avait le teint clair des femmes normandes et la chevelure crêpée d’une bohémienne. Avec cela, — autre contraste, — de beaux grands yeux d’un bleu très tendre et la bouche meublée de dents fort blanches, quoique un peu espacées.

Mais l’ensemble de la figure respirait plutôt l’énergie que la grâce.

La grâce ! lumière ou vernis, qui est à la figure humaine ce qu’une bonne exposition est au tableau, — voilà ce qui réellement lui manquait.

Enfin, — pour achever de brosser cette esquisse en deux tours de main, — bien qu’elle fût, en réalité, une jolie fille, Euphémie Labarou manquait complètement de séduction féminine, d’attirance, comme disent les bonnes gens.