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On n’attendit pas longtemps.

Le lendemain dans la matinée, deux solides « gars », montant une petite chaloupe, abordaient en face de l’habitation Labarou.

Gaspard se trouvait là, d’aventure.

— Venez, camarades, dit-il aux étrangers, qu’il semblait déjà connaître… Mais ne parlez à personne de notre rencontre d’hier soir ; mon cousin m’en voudrait de l’avoir devancé…

— Ni vu, ni connu ! firent les jeunes gens en riant.

Arthur accourait.

Mimie, derrière sa mère, regardait par l’entrebâillement de la porte.

Jean Labarou était invisible.

Sans faire attention à Gaspard, qui ouvrait la bouche pour parler, Arthur donna une bonne poignée de main aux nouveaux arrivés, tout en leur disant :

— Soyez mille fois les bienvenus, mes amis… Savez-vous que ça devenait furieusement ennuyeux de ne voir toujours que nos figures, qui ne sont pas déjà si avenantes, jugez-en !…

— Hé ! hé ! il y en a de pires aux Îles… répliqua galamment le plus vieux des visiteurs.

— Ah ! dame ! je plains ceux qui les possèdent… Mais, dites donc… jetez le grappin et allons voir les bonnes gens… Je les sens qui grillent d’impatience.

— Allons ! firent les gars, se laissant conduire de bonne grâce.

On pénétra pêle-mêle dans la maison, le bouillant Arthur tenant la tête.

— Père et mère, et toi Mimie, voici nos voisins… annonça-t-il sans plus de cérémonie. — À propos, comment vous appelez-vous ?… Nous autres, notre nom est Labarou : le père Jean Labarou, la mère Hélène Labarou, le garçon que je suis, Arthur Labarou, la fille Euphémie Labarou, — plus connue sous la petit nom de Mimie ; enfin ce garçon discret et sage que vous avez vu tout d’abord s’appelle, lui, Gaspard Labarou… Voilà !

Arthur, ayant ainsi désigné chaque membre de la famille par ses noms et prénoms, mit les poings sur ses hanches et reprit haleine.

Ce n’était pas sans besoin !

On se donna la main à la ronde, comme de vieux amis qui se retrouvent. Après quoi, l’aîné des deux frères, sans répondre directement, dit :

— Ça nous fait plaisir, tout de même, nom d’un loup marin, de rencontrer des pays sur cette bigre de côte, — car vous êtes de Saint-Pierre, n’est-ce pas ?

— De Saint-Malo ! se hâta de rectifier Jean Labarou.

— C’est tout comme. Notre père aussi était de là.

— Ah !… et son nom ?

— Pierre Noël.

— Pierre Noël !… Vous êtes les fils de Pierre Noël ? s’écria Jean Labarou, pâlissant affreusement.

— Oui. L’auriez-vous connu, par hasard ?