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ses nouveaux parents de la grande famille blanche, il goûtât un peu de ce bonheur passager que le bon Dieu ne refuse pas aux enfants de son âge.

Et, comme à compte, il l’embrassa fraternellement…

Ce qui fit lever les épaules à Gaspard, homme peu démonstratif.

Mais on arrivait au fond de la baie de Kécarpoui…

Un homme et deux femmes se tenaient sur le rivage, le regard tendu…

Les femmes agitaient leurs mouchoirs…

C’étaient les bonnes gens qui célébraient le retour des enfants…

Il va sans dire que le petit Wapwi fut accueilli avec joie, surtout par les femmes.

La suite de ce récit prouvera que les exilés du Labrador venaient de faire là une heureuse acquisition.

Puis la petite colonie, composée maintenant de six personnes reprit ses habitudes patriarcales, améliorant sans cesse ses conditions d’existence matérielle et vivant dans une paix profonde.

Mais il était écrit que le guignon avait suivi cette famille éprouvée jusque sur les rives du Saint-Laurent.

La coupe du malheur, encore à moitié pleine, devait être vidée jusqu’au fond.

La tranquillité présente n’était qu’une accalmie.


V

UNE VOILE À BÂBORD


Un matin de l’année 1852, Arthur remontait de la grève en courant comme un lévrier.

Apercevant son cousin près de l’habitation, il lui cria, avec des gestes d’ancien télégraphe :

— Ohé ! de la cambuse !

— Qu’y a-t-il ? répondit l’autre.

— Une voile à bâbord.

— C’est la goëlette qui remonte, je suppose ?…

— Es-tu fou ?… Voilà huit jours à peine qu’elle est passée ici ! Et, d’ailleurs, il lui faut aller aux îles pour sa petite contrebande…

— Qu’est-ce que c’est, alors ?

— Allons voir.

Les deux cousins s’étaient rejoints.

Ils redescendirent ensemble vers le rivage, d’où l’on apercevait, à moins d’un mille dans l’est, la côte occidentale de la baie.

Il y avait là, en effet, une voile.

Dans le langage du marin, qui dit une voile dit un vaisseau.

Or, cette fois, la voile en question était une grande barque de pêche, bien gréée, bien arrimée et paraissant avoir pour cargaison