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Personne n’avait d’allumette ni de pierre à fusil.

D’ailleurs, en supposant même qu’on pût se procurer du feu, de quelle façon l’utiliser pour cuire le morceau de venaison destiné au festin ?…

Ce fut encore le petit sauvage qui tira nos amis d’embarras.

Il se mit à fouiller partout, dans les environs, jusqu’à ce qu’il eut trouvé un éclat de bois de cèdre, dans le centre duquel il pratiqua un trou, avec la pointe de son couteau. Partant de ce trou, il creusa une petite rainure, qui s’en éloignait de quelques pouces et qu’il bourra de mousse, bien sèche, saupoudrée de charbon de bois écrasé, emprunté à une souche du voisinage.

Ayant alors confectionné une légère baguette de cèdre, effilée à l’un de ses bouts, il en introduisit la pointe dans le trou qu’il venait de faire et se mit à la tourner aussi rapidement que possible entre les paumes de ses mains…

Quelques étincelles jaillirent bientôt, qui enflammèrent la mousse et le charbon…

On avait du feu !

Restait à confectionner le fourneau où se rôtirait la pièce de résistance du festin en perspective.

Gaspard s’en chargea.

Il mit de champ deux pierres plates, pour former les parois latérales, puis les couvrit d’une troisième, plus mince et plus large, destinée dans son esprit à servir de… lèchefrite.

Alors, fort satisfait de son fourneau, il alluma aussitôt au-dessous un bon feu de branchages.

Pendant que ce chef-d’œuvre d’architecture… culinaire s’édifiait, il va sans dire que le petit sauvage ne demeurait pas inactif.

Il avait détaché de l’ours un cuissot des plus respectables et, après l’avoir enveloppé d’herbes, paraissait attendre que l’appareil de Gaspard fût prêt à fonctionner.

De son côté, celui-ci trouvait le nouveau marmiton bien lent à apporter au fourneau la « pièce de résistance » du futur dîner.

De sorte que tous deux se regardèrent d’un air assez drôle, qui voulait dire clairement : « Eh bien, qu’est-ce que tu attends ? »

De toute évidence, nos deux taciturnes ne se comprenaient pas du tout.

Heureusement, Arthur, — qui n’avait pas, lui, la langue dans sa poche, — intervint :

— Alors, gamin, demanda-t-il à l’enfant, que fais-tu là ?… Te manque-t-il quelque chose ?

— Cailloux ! répondit le marmiton improvisé, en déposant son jambon par terre et, désignant le feu :

— Des cailloux dans le feu ! se récria Arthur. Pourquoi faire ? Les cailloux de ce pays-ci seraient-ils du charbon de… pierre, par hasard ?

Mais Gaspard, lui, avait fini par comprendre.

— J’y suis ! dit-il… Des cailloux rougis au feu, un trou dans la terre… Nous dînerons avec du jambon d’ours cuit à l’étouffée.