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LE REVENANT

— Ô mère !

Le père, à son tour, presse son fils sur sa poitrine…

Puis on entre à la maison…

La porte se ferme…

Une scène, qui ne se décrit pas, a lieu entre les divers personnages de cette famille, hier encore abîmée dans le désespoir.

La joie a sa pudeur.

Tirons le rideau sur ces épanchements sacrés…

Un quart-d’heure s’écoula.

Puis la porte se rouvrit, pour livrer passage au capitaine du Revenant, qui semblait au comble de l’anxiété et disait rapidement à sa sœur :

— Ainsi, tu es sûre que Suzanne m’est restée fidèle et qu’on lui force la main ?…

— Absolument sûre, mon frère… Ah ! pauvre fille, comme elle a pleuré et quel serment imprudent elle a fait là, par une reconnaissance exagérée pour un sauvetage « arrangé » d’avance entre Thomas et Gaspard, je le jurerais.

— Oui, elle a été bien imprudente de s’engager par serment à épouser un misérable, dans un temps donné… Mais aussi, petite sœur, quelle inspiration du ciel d’avoir ajouté formellement, comme tu dis : « Si toutefois mon premier fiancé ne vient pas réclamer ses droits ! »

— Restriction qui n’a causé nul souci à ce coquin de Gaspard ! fit remarquer Mimie… Il était si sûr d’avoir réussi dans son crime !

— Dieu aveugle les criminels qu’il veut punir ! dit gravement le jeune capitaine du Revenant… Nous arriverons à temps pour sauver cette pauvre Suzanne.

Ces propos s’échangeaient rapidement, tout en embarquant dans la chaloupe et ramant vers la goélette.

On prit là un renfort de deux solides matelots, et la chaloupe partit comme une flèche dans la direction du Chalet.

À peine eut-elle touché terre, qu’Arthur sauta sur la berge…

Comme il franchissait le rideau de saules qui borde la rive en cet endroit, un cri de désespoir faillit jaillir de sa gorge…

En face d’un autel, tout enguirlandé de feuillage, érigé à côté du Chalet, Gaspard et Suzanne, à genoux l’un près de l’autre, écoutaient un prêtre debout en face d’eux, un livre à la main.

— Gaspard Labarou, disait gravement le ministre du culte, prenez-vous Suzanne Noël pour votre légitime épouse ?

— Oui ! articula Gaspard, d’une voix nerveuse.

Le capitaine du Revenant arrivait derrière eux, comme le prêtre posait la même question à la jeune femme agenouillée :

— Suzanne Noël, prenez-vous Gaspard Labarou pour votre légitime époux ?

Un frisson parut courir sur les épaules de la pauvre fille…

Elle hésita…

Puis, dans un mouvement de désespoir inconcevable, levant les yeux au ciel comme pour y demander un secours inespéré, elle se