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Le capitaine fit un geste d’assentiment.

— Allez, mon jeune ami, dit-il en bourrant sa pipe. J’ai aujourd’hui, grâce au bon vent, plus de loisirs à vous consacrer, que d’habitude.

Alors Arthur fit le récit court, mais très mouvementé, de ce qui avait précédé et amené, suivant lui, l’affaire de l’Îlot.

Puis il conclut, en disant :

— Que pensez-vous, capitaine, d’un parent capable d’une pareille infamie ?

— Je pense que ce gaillard-là finira par être pendu à la maîtresse vergue du premier navire sur lequel il mettra le pied, — quand ce serait le mien…

En attendant, jeune homme, suivez-moi où j’irai, et soyez certain qu’en juin prochain, — avant la visite du missionnaire qui pourrait bien, sans cela, marier votre cher cousin à votre fiancée, — je vous aurai ramené à Kécarpoui, où vous réglerez vos comptes avec cet aimable assassin.

— Ah ! capitaine, puissiez-vous dire vrai !… Si, au commencement du mois de juin de l’année 1853, je pouvais apparaître dans ce petit coin du Labrador, où l’on me croit, sans doute, au fond de l’eau, quel règlement de comptes, comme vous dites, capitaine !

— Nous y serons, mon jeune ami, Dieu aidant…

Le capitaine Pouliot, de Québec, connaît son navire, l’Albatros. D’ailleurs, j’ai promis à mon armateur, M. Ross, que je serais de nouveau en rade de Québec avant la fin du mois de juin. Et, ce que je promets, vous saurez, à moins que le diable ne s’en mêle…

— Vous le tenez ?… Eh bien, tant mieux, et puissent les vents et la mer nous être favorables !

— Amen ! fit le capitaine.

Sur quoi, les deux amis montèrent sur le pont, où le capitaine constata que tout allait bien, sous l’œil de Dieu.

Mais résumons…

Le voyage, par le cap de Bonne-Espérance et l’océan Indien dura trois mois et demi.

Les vents avaient été maniables et la mer, clémente.

On avait passé la ligne deux fois, lorsque, dans les premiers jours de janvier, on arriva en vue de la grande île de Ceylan.

Une partie du chargement y fut débarquée ; puis on continua jusqu’à Madras, pour livrer ce qui restait.

Vers la fin de janvier 1853, commença le voyage de retour, en longeant la côte de Coromandel, pour s’engager dans le détroit de Manaar.

Mais, contrarié par une très grosse brise de ouest-sud-ouest, l’Albatros dut chercher refuge dans la baie de Condatchy, qui échancre le littoral ouest de l’île de Ceylan.

On fut là deux jours à l’ancre, un calme plat ayant succédé à la bourrasque qui avait fait rage.

Une multitude d’embarcations de toutes formes y faisaient la pêche des perles.