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SUR UN GLAÇON FLOTTANT

qu’un matin de la première quinzaine d’avril, Wapwi annonça avec une certaine excitation :

— Loups-marins !

— Où cela ? demanda Jean Labarou.

— Autour de l’Îlot.

— Beaucoup ?

Pour toute réponse, le petit Abénaki montra ses doigts ouverts, montra ses cheveux… et, ne sachant plus quoi montrer, fit de grands gestes avec ses bras : — ce qui voulait dire qu’il y en avait tant, tant… que décidément il ne pouvait en indiquer le nombre.

Jean Labarou prit aussitôt une décision.

— Faisons nos préparatifs, dit-il… Nous partirons dans une heure. Toi, Wapwi, avertis nos voisins, comme c’est convenu.

En un clin d’œil, tout le monde fut à l’œuvre.

Wapwi alluma un grand feu, bien en vue sur la rive de la baie, — auquel on répondit bientôt, du Chalet.

Puis, les chiens, — au nombre de six, — étant attelés à une sorte de traîneau particulier à la côte du Labrador, on se mit en marche.

Euphémie accompagnait l’expédition, naturellement.

Les deux chasseurs et la jeune chasseresse, bien chaussés de bottes de loups-marins, armés de fusils à balles et de solides bâtons de bois dur, se dirigeaient vers la pointe ouest de la baie, où les chaloupes avaient été descendues depuis plusieurs jours, en prévision de la venue des phoques annoncés.

Sur l’autre rive, on s’agitait aussi.

Le signal avait été compris.

On y avait répondu tout de suite, et bientôt un attelage semblable à celui des Labarou quittait, au galop de six chevaux à griffes, le chalet de la famille Noël.

Arrivées aux chaloupes, les deux petites troupes arrêtèrent les conventions de la chasse, et l’on se mit en devoir de franchir en silence l’étroit bras de mer libre séparant la batture de terre de celle de l’Îlot.

Les chiens reçurent l’ordre de se coucher là où ils étaient et de ne pas bouger, — ni japper, surtout.

Ils promirent tout ce qu’on voulut, à leur façon, et… « tinrent parole. »

De même que Mimie, Suzanne avait voulu accompagner ses frères. On lui avait vanté si souvent les émotions d’une chasse aux loups-marins, qu’elle n’avait pu résister à la tentation d’y aller au moins une fois, — ne serait-ce que pour secouer sa mélancolie et faire plaisir à son frère Louis, qui l’avait suppliée de l’accompagner.

Mais, contrairement à sa voisine de l’ouest, elle ne portait ni bâton, ni arme à feu, — étant peu familière avec les sports cynégétiques et trop sensible pour frapper un animal quelconque, cet animal ressemblât-il à un poisson !

Les chaloupes ayant donc été traînées à l’eau, on avançait en silence vers l’îlot, sous le vent, — car les amphibies ont l’oreille fine.

Arrivés à la large batture de glace entourant la Sentinelle, les hommes débarquèrent à petit bruit, puis s’avancèrent avec des pré-