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Les Labarou eurent à peine le temps de se poser ces questions, qu’elles étaient résolues.

Un enfant d’une douzaine d’années environ, — un petit sauvage, à en juger par son costume et son teint basané, — surgit des broussailles, parut examiner les traces sanglantes laissées par l’animal blessé, puis retournant aussitôt sur ses pas, il se prit à crier :

— Vite, père, y a du sang tout plein !

Un homme grand, sec, la figure osseuse et brune, parut aussitôt, tenant en main un fusil qui fumait encore.

Il échangea quelques paroles avec son fils et s’approcha avec précaution jusqu’à quelques pieds de l’endroit où gisait l’ours.

Ayant aperçu ce dernier, il s’arrêta et fit mine de recharger son arme. Mais, voyant la bête immobile sur le flanc, il remit en place la baguette, à demi tirée, du fusil qu’il tenait de la main gauche et s’avança, tout courbé, vers l’animal, en apparence mort.

À deux pas de sa victime, le sauvage s’arrêta de nouveau et se mit en frais de fourrer le canon de son arme sous le cadavre, pour le retourner, sans doute, et voir la blessure par où la vie s’était échappée.

Mais il arriva alors quelque chose de bien inattendu et de bien terrible…

D’un coup de patte, l’ours fit voler le fusil au loin ; puis bondissant sur le sauvage abasourdi, il l’écrasa sous sa masse pesante, lui labourant en même temps la poitrine, de ses longues griffes.

Pendant quelques secondes, l’homme et la bête s’agitèrent…

Puis l’homme demeura immobile…

Il était mort !

La scène avait déroulé ses péripéties si vite, que ni l’enfant, muet et terrifié, ni les deux cousins, frappés de stupeur, n’avaient eu le temps d’intervenir.

Ce fut le petit sauvage qui secoua le premier l’espèce de paralysie qui immobilisait les trois spectateurs…

Tirant un couteau d’une gaine de cuir, suspendue à sa ceinture, il se rua sur l’ours avec frénésie et se prit à lui cribler les flancs de blessures profondes.

Puis, avec une force musculaire au-dessus de son âge, il retourna la bête, — bien morte, cette fois, — dégageant ainsi le corps de son père, sur la poitrine duquel il se jeta, y enfouissant sa figure.

C’était navrant et terrible.


III

UN REPAS DE GIGOT D’OURS


Gaspard, qui arrivait, précédé d’Arthur, ne put s’empêcher de dire, malgré son flegme :

— Triste !

Quant à Arthur, il prit doucement l’enfant dans ses bras, tout