Page:Dick - Un drame au Labrador, 1897.djvu/108

Cette page a été validée par deux contributeurs.

À peine arrivé dans la baie, ce modèle des fils adoptifs s’était empressé, naturellement, d’aller rendre compte à ses parents du résultat négatif de ses recherches.

Il avait, d’ailleurs, pris la peine d’étudier à fond le rôle qu’il allait jouer avant de risquer cette démarche décisive.

Figure morne, fatiguée, triste ; pâleur maladive ; regard fatal, inconsolable ; tel était son masque.

Mais toute cette mise en scène ne put fondre la glace qui le séparait désormais de cette famille où il avait grandi, choyé à l’égal du fils de la maison.

La mère Hélène, à sa vue, eut une crise de larmes qui pensa lui causer une rechute.

Jean Labarou, lui, pâle comme un mort, laissa son neveu s’empêtrer dans le récit de ses exploits et de ses actes de dévouement fraternel.

Puis, quand ce fut fini, il se contenta de dire froidement, mais avec un geste d’une terrible solennité :

– Arthur est mort, – et je n’espère plus… Que Dieu ait pitié du pauvre enfant !… Mais si tu es pour quelque chose dans cette fatalité épouvantable ; si, par ta faute, une mère a été privée, sur ses vieux jours, d’un fils adoré ; si ta cousine, par ton fait, se trouve seule au monde, sans appui quand nous n’y serons plus ; moi ton second père, au déclin de ma vie, courbé par l’âge et l’incurable chagrin que je sens là (et le vieillard touchait son front ridé), je finis par succomber avant le terme assigné par la divine Providence ; si cela est, eh ! bien, je te maudis !

– Mon oncle !… voulut répliquer Gaspard, épouvanté.

– Va-t-en !… fut la seule réponse de Jean Labarou, montrant la porte, de son bras tendu.

Et, comme le misérable, en passant le seuil, regardait sa tante, celle-ci lui dit, dans un sanglot :

– Rends-moi mon fils !

Alors il se tourna vers Mimie, comptant bien trouver chez elle une ombre de sympathie.

Mais il regretta aussitôt ce mouvement…

Blanche comme une cire, la tête haute, les prunelles fulgurantes, la jeune fille étendit vers lui sa main fine et nerveuse :

– Caïn ! dit-elle.

Puis, montrant elle aussi la porte :

– Va où la destinée t’appelle, fratricide !… Mais, où que tu ailles, je serai sur ton chemin au jour de la rétribution !

Puis, hautaine et grave, elle alla baiser sa mère au front.

Tremblant, hagard, la sueur de l’agonie aux tempes, Gaspard Labarou quitta la maison où s’était écoulée son adolescence, chancelant comme un homme ivre et sentant peser sur ses épaules le poids terrible de la malédiction paternelle…

Dans l’esprit de Jean Labarou, cette malédiction n’était que conditionnelle, il est vrai.

Mais Gaspard, au fond de son âme, sentait bien que cette malé-