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L’ÎLE MYSTÉRIEUSE

C’était le Petit-Mécatina, le lieu de rendez-vous assigné par le capitaine canadien.

Aussitôt, outre leurs feux de position réglementaires, les jeunes marins allumèrent un fanal bleu, attaché d’avance au milieu de leur mât de misaine.

Puis ils se prirent à observer attentivement la côte abrupte qui défilait par leur travers de bâbord.

Une dizaine de minutes s’écoulèrent…

La goélette, ses voiles bordées à plat, serrant le vent, courait à l’ouest, se rapprochant toujours…

À la distance d’une quinzaine d’arpents, d’après son estimé, Thomas ne connaissant qu’imparfaitement ces parages, jugea prudent de ne pas s’approcher davantage de ces rochers menaçants…

Il lofa…

Les voiles battirent au vent…

Mais, au même instant, une grosse lueur brilla sur un point du rivage ; puis une seconde ; puis enfin une troisième, — à quelques pieds seulement les unes des autres.

— Largue l’ancre ! commanda Thomas.

Gaspard se précipita vers l’avant et leva le cliquet du guindeau.

Aussitôt l’ancre tomba à l’eau, suivie de sa chaîne, qui glissa bruyamment dans l’écubier.

Puis les voiles furent abaissées en un tour de main, et l’on attendit.

Dix minutes ne s’étaient pas écoulées, qu’une embarcation se détacha, comme dans une féerie, de ces rochers géants et s’avança vers la goélette.

— Ohé ! qui vient là ? s’enquit Thomas, pour la forme, — car il savait bien à quoi s’en tenir.

— La Marie-Jeanne !

Puis la même voix reprit :

— Et vous ?

— Le Marsouin ! gronda Thomas, faisant rouler l’r unique de ce mot.

Il faut dire ici que la goélette des Noël avait jusqu’ici porté le nom très honnête de Saint-Malo, — en souvenir du pays natal, — mais que maître Thomas, lancé sur la piste d’aventures émouvantes, avait détrôné le vieux saint breton de la poupe de sa barque, pour y substituer le nom de l’amphibie guerroyeur cité plus haut.

Il y eut une minute de silence.

Puis le survenant demanda, tout en continuant d’avancer :

— Rien qui cloche ?… On peut aborder ?…

— Arrivez sans crainte, fut-il répondu : il n’y a ici que mon associé Gaspard Labarou et moi, Thomas Noël.

La chaloupe, manœuvrée habilement, aborda bientôt.

Des deux hommes qui la montaient, l’un resta à bord, tandis que l’autre grimpa sur le flanc du Marsouin, s’aidant des haubans de misaine, et sauta lestement sur le pont.

— Messieurs, dit-il sans préambule, vous êtes gens de parole.

— Toujours ! fit Gaspard laconiquement.