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— Je te demande encore une petite demi-heure, tante Mimie ; — le temps d’aller repêcher le bout de planche que ces deux imprudents viennent de jeter à l’eau, après l’avoir enlevé à la chaloupe.

— Tu as raison, petit : ce morceau de bois sera une pièce à conviction qui pourra servir, — peut-être, — on ne sait pas !…

Wapwi donna à la goélette le temps de parcourir une distance suffisante pour qu’on ne le vit pas du bord et, prenant sa course dans la direction où le courant de montant entraînait le fragment de bordage, il se lança résolument à l’eau.

Comme l’enfant nageait facilement, il eut bientôt recouvré le bout de planche flottant et regagné le rivage avec son butin.

— Ça fait trois pièces à conviction dans l’affaire Labarou vs Labarou, dit Mimie, qui avait quelque lecture.

— Il ne faut rien négliger pour punir les méchants… dit sentencieusement le petit Abénaki.

Et il alla cacher soigneusement sa pointe de pierre et son bout de bordage au pied de la côte, dans un endroit inaccessible pour tout autre qu’un adroit peau-rouge de son espèce, à lui.

Après quoi, on reprit, sans plus de retard, le chemin de la maison.

XXII

L’ÎLE MYSTÉRIEUSE


Abandonnons pour un instant nos amis dans l’affliction et sautons à bord de la goélette des Noël.

Toutes voiles hautes, les écoutes raidies, coulant bien à travers les ondulations des lames molles et souples, elle fait merveille sous la jolie brise qui incline sa mâture à bâbord.

Le vent ayant, dans la matinée, sauté à l’ouest, — comme nous l’avons dit — c’est donc vers le large, vers la haute mer, que se dirigent maintenant les deux compères, qui composent à eux seuls l’équipage.

Est-ce que le capitaine Thomas aurait l’intention de remplir sérieusement la mission dont il s’est chargé — c’est-à-dire de fouiller la mer et les rivages des alentours pour y retrouver Arthur, vivant ou mort ?…

Ah ! non, par exemple !

Dans l’esprit de maître Thomas, Arthur est bel et bien noyé, coulé, dévoré, peut-être…

C’est une chose du passé.

N’en parlons plus.

Il a tout simplement eu l’adresse de faire coïncider une expédition, arrêtée dans son esprit depuis une quinzaine de jours, avec l’offre généreuse de partir à la recherche du malheureux fils de Jean Labarou, du fiancé de sa sœur Suzanne.

Nous l’avons dit : Thomas Noël est un homme positif.

Pas méchant, par exemple — oh ! non ! — mais à condition toutefois que sa bonté ne vienne pas en conflit avec son intérêt. Auquel