On vit alors, vers le nord-ouest de l’île, à un demi-mille de distance environ, un vaisseau qui approchait, ayant un fanal bleu attaché à son mât de misaine, outre ses feux de position règlementaires.
— C’est bien la « Marie-Jeanne » ! répéta Thomas Noël. Ma foi, elle ne saurait arriver plus à propos.
— Savoir !… murmura Gaspard.
— Quoi donc ?
Le lieutenant, — ou plutôt le second capitaine du « Marsouin », — approcha sa bouche de l’oreille de son ami :
— Savoir, dit-il à voix basse, — à cause des matelots, — si le Canadien ne s’opposera pas à nos projets.
— Hum ! Tu as raison… Ces Canadiens sont de si drôles de gens : à cheval sur les principes religieux !
— Ne parlons de rien pour le moment.
— C’est entendu… « Motus ! »
— Une fois l’affaire dans le sac, nous nous moquerons des scrupules de notre associé…
— … Et lui dirons : Trop tard, mon bonhomme… Va prêcher les gens de ta paroisse.
— Ce qui signifiera : Mêle-toi de tes affaires.
Ayant disposé à l’avance des objections du capitaine canadien, nos deux Français redescendirent le cap pour recevoir le visiteur, dont la goélette venait de jeter l’ancre à quelques encâblures des rochers.
CHAPITRE III
OÙ THOMAS IMPROVISE UNE SINGULIÈRE HISTOIRE
Quand le soleil reparut, ce matin-là, un peu après trois heures, — car on était au 26 juin, c’est-à-dire dans les jours les plus longs de l’année, — une grande animation régnait entre les hautes roches du « Petit-Mécatina. »
Les équipages des deux goélettes, faisant œuvre de charpentiers et de mineurs, jouaient de la hache et du pic dans les grottes.
Les matelots de la « Marie-Jeanne » évidaient une étroite galerie le long des parois de la caverne où l’on avait, l’année précédente, fixé une grande pierre en guise de porte.