nouilles n’ont rien à voir dans nos affaires, croyez-moi.
— Je le sais bien… Mais ce sentiment de vague terreur que j’éprouve n’est pas de ceux que l’on surmonte par le raisonnement.
— Si vous m’aimiez, Louise, autant que je vous aime, vous chasseriez bien vite toutes ces idées superstitieuses et vous ne craindriez rien au monde, quand je suis là pour vous défendre.
— Vous aimer, Joseph ?… Lorsque, pour vous, je trahis des serments solennels ; lorsque je trompe à toute heure du jour un franc et loyal jeune homme qui a foi en moi ; lorsque je récompense le dévouement de celui qui m’a sauvé la vie en jouant vis-à-vis de lui la comédie de l’amour, tandis que mon cœur appartient à un autre ; vous me demandez si je vous aime !… »
Louise avait prononcée cette tirade d’une voix forte, quoique étouffée, et avec une énergie fébrile. Je n’en perdis pas un mot, pas une intonation. Aussi, l’effet fut-il foudroyant, et je demeurai accablé, la tête appuyée au tronc d’un arbre, le visage baigné de larmes.
Lapierre reprit :
« Je vous crois, Louise, et la démarche que vous faites ce soir confirme vos dires ; mais combien les actions prouvent mieux que les paroles !
— Ce que vous me demandez est si grave, que je ne puis m’y résoudre.
— Qu’y a-t-il dans ma proposition de si extraordinaire ? Vous n’aimez pas l’homme que vos parents vous destinent ; pour vous soustraire à la dure nécessité d’épouser cet homme-là, vous fuyez avec celui que votre cœur a choisi… Encore une fois, qu’y a-t-il dans ce projet de si étrange ?