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Madame Privat, après une minute de vague contrainte, reprit avec une sorte d’impatience :

« Enfin, M. Després, plaisant ou lugubre, expliquez-vous… Qu’y a-t-il ? de quoi s’agit-il ?

— De quoi il s’agit ? je vais vous le dire, ma chère dame, riposta une voix métallique et railleuse, qui n’était autre que l’organe de Lapierre.

— Ah ! fit la mère de Laure, vous sauriez ?…

— Oui, madame. Le monsieur tragique que vous avez sous les yeux n’est rien moins qu’un de mes anciens rivaux qui, pour un amour rentré, me fait l’honneur de me haïr, et s’est juré de me faire tort auprès de vous.

— Ah ! fit encore la veuve du colonel, je m’attendais à une tragédie et voilà que vous me menacez d’une pièce bouffonne ! C’est mal à vous, mon cher gendre : vous effeuillez mes illusions.

— Ma bonne mère !… supplia Laure.

— Ma tante ! appuya Champfort, ces paroles…

— Vous vous hâtez trop de juger, ma mère ! dit à son tour Edmond.

— Laissez faire, répliqua Després d’un ton calme. Madame Privat est parfaitement excusable de me persifler un peu pour plaire à celui qui devait être son gendre, car elle ne sait pas encore que l’insolent qui vient de me provoquer, lorsqu’il aurait dû implorer mon silence à genoux, est le meurtrier de son mari. »

À cette froide déclaration, tombant comme une bombe au milieu de l’assemblée silencieuse, il y eut un frisson général de stupeur. Madame Privat pâlit affreusement, tandis que Lapierre bondit de son siège et montra le poing à Després, en criant d’une voix étranglée :

« Infâme calomniateur !