— Tout le prouve : sa manière d’agir avec moi, sa froideur hautaine, ses airs protecteurs, et jusqu’à cette réserve cérémonieuse qui a remplacé la douce intimité et les naïfs épanchements d’autrefois.
— Hum ! il faut quelquefois prendre les femmes à rebours, et leurs grands airs dédaigneux masquent souvent un dépit qu’elles dissimulent avec peine.
— Je ne crois pas que ce soit le cas pour Laure : son cœur est trop haut placé pour recourir à ces petits moyens.
— Qu’en sais-tu ? Personne ne comprend les femmes, et les amoureux moins que tous les autres. Écoute-moi, Champfort : la femme est un être pétri de contradictions, qu’il ne faut croire qu’à la dernière extrémité. J’en sais quelque chose.
— Tu es sévère, Després, et tes malheurs passés te rendent injuste.
— Je ne crois pas. Il est possible, après tout, que Mlle Privat soit une exception à la règle générale. C’est ce que nous verrons. Quoi qu’il en soit, pour me former une opinion solide sur ton cas, fais-moi l’historique de tes relations avec ta cousine.
— À quoi bon ?
— Il le faut.
— Allons, je me résigne et ne vous cacherai rien. »
Les chaises se rapprochèrent, et Champfort commença :
« J’ai connu ma cousine, il y a environ six ans. J’avais alors seize ans et elle entrait dans sa quatorzième année. Mon père était mort depuis longtemps, et ma mère venait à son tour de payer son tribut à la nature. Resté orphelin et sans res-