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folâtre de gigantesques oiseaux ; bientôt ils s’engagent derrière le rideau d’îles semées sur leur route ; pendant quelque temps encore, on voit glisser les hautes voiles des grands trois-mâts le long des cimes dentelées des montagnes ; puis ce ne sont plus que les flèches de cacatois, ornées de leurs flammes ; enfin… tout disparaît.

Anna se plaisait à ce spectacle sans cesse renouvelé, mais toujours attrayant. Aussitôt que les occupations du ménage lui laissaient un peu de répit, elle prenait un livre et se rendait sous le gros noyer. Là, assise sur un banc que lui avait fabriqué le père Bouet lui-même, elle passait de douces heures en tête-à-tête avec ses auteurs favoris ; ou bien, abandonnant sa lecture, elle laissait errer sa pensée au milieu des nuages du souvenir et se perdait dans de longues rêveries.

Ces retours vers le passé avaient pour résultat invariable de la plonger dans une vague mélancolie, dont elle ne se rendait pas bien compte elle-même. Et, chose étrange, cette enfant qui n’avait jamais connu son propre père, qui ne possédait de sa mère qu’un portrait-miniature grand