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eu autant de terre que moi sous les pieds. Si, au lieu de faire le beau parleur et de fêter avec ses pareils de l’Argentenay, où il a pris femme, il avait charrié du fumier sur ses clos et renchaussé ses patates en temps, se verrait-il à la poche au jour d’aujourd’hui ?… Pas vrai, Marianne ?

— Pour ça, il n’y a pas à dire ; mais…

— Et penser que je me suis échiné, et toi aussi, du matin au soir pour ce vaurien-là, qui héritera de nous, faute d’avoir à qui donner le fruit de nos sueurs !… Ça me chacote, vois-tu, ma vieille.

— Quand on est mort, on n’a plus besoin de rien : à quoi bon se chagriner, mon pauvre Pierre ?

— Au fait, tu as raison : n’y pensons plus… Et, d’ailleurs, c’est mon frère, après tout.

Pierre Bouet se rasséréna, avec cette philosophie insouciante particulière aux natures bien faites. Le brave homme avait, comme cela, de temps à autre, des accès de mauvaise humeur contre son frère unique Antoine, qu’il accusait de paresse et de manque de prévoyance ; mais, une fois la crise passée, Pierre Bouet redevenait lui-