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ne pas être tenté de crier à l’invraisemblance, il faut que le lecteur remonte avec nous de quelques jours en arrière, jusqu’au cinq de ce mois de juin où nous en sommes rendus.

Ce jour-là – ou plutôt ce soir-là, car c’était vers huit heures de relevée – il venait frais sur le fleuve et la mer se brisait en un violent ressac le long des falaises qui relient le cap Brûlé au cap Tourmente. Ce dernier promontoire surtout voyait ses assises de granit assaillies par une multitude de lames courtes, affolées, se heurtant en tous sens, se soulevant en milliers de pyramides ou se façonnant en aigrettes blanches, comme si un immense feu souterrain les eût mises en ébullition.

La mer n’est jamais bonne au pied de ce bastion géant des Laurentides ; mais le soir du 5 juin 1857, soit qu’elle flairât la tempête, soit que le flot eût peine à combattre le jusant, elle était véritablement affreuse, et pas une petite embarcation n’eût osé s’aventurer à travers son clapotis.

Et pourtant, aussitôt que vint la nuit, un observateur accroché au flanc nord-est du cap aurait pu voir un léger canot d’écorce, monté par un seul homme, surgir