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chante… Oh ! l’aimable compagnon !… Et dans l’enchantement des lueurs dansantes, rêveur silencieux, tu vois passer ta vie en de fantasques symboles…

D’abord, la triomphante et claire flambée de l’enfance et de la jeunesse, ambitieuse, tumultueuse, menaçant de tout envahir, secouant follement des étincelles brillantes qui s’envolent comme des rêves, jusqu’au ciel, à moins qu’elles ne s’éteignent piteusement, dans quelque coude de la cheminée, tapissé de suie…

Mais déjà se calme le glorieux embrasement. L’éblouissante flamme d’or et de pourpre se raccourcit, bleuâtre, presque diaphane, moins lumineuse et plus ardente ; elle travaille sans bruit, minant les grosses souches. C’est le moment où la tiédeur se répand agréablement dans l’air, le moment où le feu exerce pleinement ses fonctions réconfortantes. Ne correspond-il pas à cette période de la maturité, où tu développes et mets en œuvre ce qu’il y a en toi de bon ou de néfaste ?

Mais les tisons rongés brusquement se disjoignent. C’est le premier avertissement : adieu, joie de la flamme !… Une chaleur se dégage encore de l’amas de braise incandescente ; parfois il en surgit un mince jet lumineux, fugitif comme le souvenir ou le regret… A leur tour, les charbons ardents s’obscurcissent, quelques points rouges persistent encore dans le noir et le gris grandissants. L’un après l’autre, ils s’éteignent comme des yeux qui se ferment… Il ne reste plus que des tronçons fumeux et des cendres bientôt froides, dans le foyer assombri.

En sera-t-il ainsi de toi qui médites, dans la mélancolie de solitude et d’hiver ?… Une effervescence passagère… puis le silence et l’ombre ?… Mais le feu a réchauffé, égayé, vivifié. Jusqu’au bout, il s’est montré généreux et bienfaisant… Feras-tu comme lui ?… Essaie !…

Mathilde ALANIC.