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pour parler comme les âmes sensibles. S’arrêter à écouter un loup, prendre le chemin le plus long et s’amuser à cueillir des noisettes, était-ce un si abominable crime et qui méritait une si terrible punition ? Pourquoi donc Perrault n’a-t-il pas, avec les nourrices allemandes, sauvé la jolie petite fille et sa mère-grand ? Était-ce pour donner à son jeune auditoire le plaisir de la peur, ou serait-ce plutôt que ce dénoûment lui a paru trop invraisemblable ?

Il est permis de faire parler un loup, mais lui découdre le ventre sans l’éveiller et en tirer vivants les gens qu’il a avalés, c’est une autre affaire. Le conteur qui prend la peine d’expliquer que le loup ne commença point par manger le Petit Chaperon, « à cause de quelques bûcherons qui étaient dans la forêt, » ce conteur a dû trouver que cette opération dépassait toutes les bornes de la fantaisie.

Il est bien probable que les nourrices françaises n’ont pas eu le même scrupule, et que le conte est arrivé complet jusqu’à ses oreilles. Un de nos amis nous affirme l’avoir entendu raconter ainsi à Colmar, il y a une trentaine d’années.

Peut-être aussi Perrault a-t-il retranché la fin pour mieux amener sa morale. Il est à remarquer que, dans la version allemande, le loup n’invite pas le Chaperon à se coucher avec lui. Notre conteur a-t-il ajouté ce détail pour compléter l’allégorie, ou, s’il l’a trouvé chez les nourrices françaises, y a-t-il