Page:Deulin - Les Contes de ma mère l'Oye avant Perrault.djvu/160

Cette page n’a pas encore été corrigée


Et toujours elle lui répétait :

— Mange, c’est du tien que tu manges.

Elle chanta deux ou trois fois cette antienne sans que le roi y prît garde. À la fin, voyant que la musique continuait, il répondit :

— Je le sais, parbleu ! que je mange le mien, puisque tu n’as rien apporté dans cette maison ! Et, se levant en fureur, il s’en fut à une villa peu éloignée pour calmer sa colère.

Cela fit que le ressentiment de la reine ne fut pas entièrement assouvi. Elle manda de nouveau le secrétaire et lui ordonna de faire venir Thalie sous prétexte que le roi désirait la voir. Celle-ci le suivit dans l’espoir de trouver la lumière de sa vie et ne se doutant pas que c’était le feu qui l’attendait.

Quand elle fut arrivée, la reine lui montra une face de Néron et, de sa langue de vipère, lui dit :

— Soyez la bienvenue, madame Troccola[1]. Tu es donc cette bonne pièce, cette mauvaise herbe qui possède[2] mon mari ! Tu es cette chienne qui m’a mis la tête à l’envers. Va, tu es venue dans ton purgatoire, où je vais te rendre le mal que tu m’as fait.

Sur ces paroles, Thalie essaya de s’excuser. Ce n’était pas sa faute : le roi avait pris possession

  1. Nom de la méchante femme qui, dans les Deux Galettes, que nous donnons plus loin, substitue sa fille à sa nièce.
  2. Che te gaude maritemo.