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Elle baissa la tête en signe de consentement. Aussitôt la reine ordonna d’apporter une couple de poules, d’allumer le feu dans le foyer de la chambre et de faire bouillir de l’eau. L’ourse prit une poule, l’échauda, la pluma dextrement et, l’ayant étripée, la mit à la broche. Elle apprêta, en outre, un bon petit gratin dont le prince, qui pourtant ne pouvait sentir le sucré, se lécha les doigts. Quand il eut assez mangé, elle lui donna à boire avec tant de grâce que la reine voulut la baiser au front.

Le prince alors descendit du lit pour faire ce qui sert de pierre de touche au jugement des médecins. L’ourse aussitôt dressa le lit, courut au jardin, y cueillit une brassée de roses et de feuilles d’oranger et les sema sur la couche, si bien que la reine dit que l’ourse valait un trésor et que son fils avait mille raisons de lui vouloir du bien.

Voyant qu’elle le servait si gentiment, le prince remit du bois dans son feu. Si d’abord il s’était consumé par drachmes, maintenant il s’en allait par rotoli[1]. Il dit à la reine :

— Ma bonne mère, si je ne donne pas un baiser à l’ourse, le souffle va me manquer.

La reine, qui le vit près de s’évanouir, dit :

— Baise-le, baise-le, mon bel animal : je ne veux pas voir mourir mon pauvre fils.

  1. Le rotolo vaut mille quatre-vingt-neuf drachmes.