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Culotte-Verte, le Vainqueur du Lumçon

Quelques jours après, il réunit toute sa cour dans le repas des fiançailles, & le feſtin fut tel que les Montois n’en avaient jamais vu de semblable : on avait tué cinq bœufs, dix porcs, vingt moutons & mis en perce cent tonnes de bière & cinq tonneaux de brandevin : on but même du vin pour de bon, bien qu’on ne vendange pas dans le pays. Comme la salle à manger du château n’était point assez vaſte pour contenir les convives, on dressa la table dans la cour d’honneur.

Tout le monde se réjouissait, excepté la belle Ida, qui était pâle & dolente. Elle n’osait révéler la cause de son chagrin, de peur de brûler un jour en enfer, où le feu eſt, dit-on, dix-sept fois plus ardent que dans les fours à coke.

Au dessert, on vint annoncer au comte qu’un jeune étranger demandait à lui parler.

« Qu’il entre ! dit le comte.

Et Culotte-Verte parut, tout habillé de velours vert, mais cette fois de velours de soie brodé d’argent. Avec sa toque, son pourpoint & le petit manteau qu’il portait fièrement sur l’épaule, il avait la plus charmante mine qu’on pût voir. Il tenait de chaque main un pot de louis d’or.

« Sire comte, dit-il en s’inclinant, je viens, de la part de défunt le maître du château des Sonneurs, vous reſtituer ces deux pots de louis d’or.