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Contes d’un buveur de bière

quoique grisonnant, était encore aussi droit qu’un peuplier.

Or, il arriva que, pour ses étrennes, sa femme lui fit cadeau d’un treizième garçon qui ne promettait point de ressembler à ses frères.

« Tu es maigrelet comme un chat de mai, mon pauvre petit, dit Jean-Philippe, &, de plus, tu as le numéro treize, qui eſt un mauvais numéro. Tu n’as pas de chance, mais je sais un bon moyen de conjurer le sort, c’eſt de te donner un homme juſte pour parrain. Il ne sera point malaisé de le trouver parmi les voisins. »

Jean-Philippe les passa tous en revue : par malheur l’un avait essayé de lui voler six verges de terre, un autre lui avait tué ses poules, un troisième trichait en jouant aux cartes, le dimanche après vêpres, au cabaret du Coq-Hardi.

« Bah ! j’en dénicherai bien un à Macou ! » se dit Jean-Philippe. Il pesa dans sa balance les gens de Macou, puis de Condé, & les rejeta tous, qui pour une raison, qui pour une autre. M. le juge de paix & M. le curé de Condé lui-même ne trouvèrent point grâce à ses yeux.

En ce temps-là, M. le juge de paix, pour aller plus vite, apportait à l’audience ses jugements tout faits ; &, au catéchisme, M. le curé maintenait à la première place le fils de M. le bourgmeſtre, qui, sauf votre respect, était un âne.