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Les Trente-Six Rencontres de Jean du Gogué

À cette vue, Jean de dévider de nouveau sa piteuse-litanie.

« Faut-il que j’aie de la malchance ! répétait-il en sanglotant. On m’avait donné une gerbe, un coq l’a mangée ; on m’a donné le coq, une vache l’a écrasé ; on m’a donné la vache, & voilà que la méquenne l’éventre.

— Eh bien ! prends la méquenne, & cesse de braire ! » s’écria le censier qui avait assez d’une pareille servante.

Jean du Gogué ne se le fit point dire deux fois. Avec l’aide du fermier, il saisit la méquenne qui n’osait trop regimber, craignant d’être battue. Il lui lia bras & jambes, la mit dans un sac & l’emporta sur son dos.

« Quand je serai à Hergnies, pensait-il, j’épouserai ma méquenne & nous mangerons de l’ôson. »

À force de s’égarer, il avait fini par rentrer dans la bonne voie, & il suivait celle de Bruille. La méquenne était plus pesante que la lune, qui ne pèse qu’une livre, s’il faut en croire l’incomparable la Guerliche. Aussi, en arrivant au village, le porte-sac sentait-il, révérence parler, la poussière voler dans son ventre.

Il entra à l’eſtaminet de l’Esclipette pour l’abattre avec une triboulette de jeune bière, & laissa son sac devant la porte.