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Contes d’un buveur de bière

s’abandonnèrent à tous les crimes : ils pillaient, volaient, violaient, incendiaient, mais, hélas ! ils ne pouvaient assassiner.

Dans chaque royaume le cri de « Vive le roi ! » devint un cri séditieux & fut défendu sous les peines les plus sévères, à l’exception de la peine de mort.

Ce n’eſt point tout : comme les animaux ne mouraient pas plus que les hommes, bientôt la terre regorgea tellement d’habitants, qu’elle ne put les nourrir ; il vint une horrible famine, & les hommes, errant demi-nus par les campagnes, faute d’un toit pour abriter leur tête, souffrirent cruellement de la faim, sans pouvoir en mourir.

Si Misère avait connu cet effroyable désaſtre, elle n’eût point voulu le prolonger, même au prix de la vie ; mais, habitués de longue date aux privations & aux infirmités, elle & Faro en pâtissaient moins que les autres : puis ils étaient devenus quasi sourds & aveugles, & Misère ne se rendait pas bien compte de ce qui se passait autour d’elle.

Alors les hommes mirent autant d’ardeur à chercher le trépas qu’ils en avaient mis jadis à le fuir. On eut recours aux poisons les plus subtils & aux engins les plus meurtriers ; mais engins & poisons ne firent qu’endommager le corps sans le détruire.