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Martin & Martine

les platanes, les hêtres touffus, les frênes aux rameaux élancés, les pâles peupliers, les bouleaux à la robe d’argent, les chênes centenaires, les châtaigniers, les érables, les merisiers, les cornouillers tombèrent tour à tour avec un fracas épouvantable.

Les oiseaux s’envolaient par bandes en jetant des cris d’effroi, & aussi s’enfuyaient, affolés de peur, les chevreuils, les daims, les cerfs, les renards, les loups & les sangliers.

Du haut de son belvédère, l’ogre contemplait cet immense abattage. Il ouvrait des yeux grands comme des roues de charrette & ne pouvait en croire ses yeux. Sa surprise était telle, qu’il en oubliait de boire & laissait sa pipe s’éteindre.

Il avait pourtant trop d’amour-propre pour montrer son étonnement, &, quand le petit boquillon revint avec sa cognée, il lui dit d’un air railleur :

« Tu ne t’entends point trop mal à mettre les écureuils à pied, mais tu ne m’as fait qu’un quart de jour. Il s’agit maintenant de me creuser un vivier à l’endroit que tu viens de nettoyer. Voici une bêche, nous verrons si tu en joues aussi bien que de la cognée. »

Puis il ajouta en s’adressant à sa fille :

« Quant à vous, mademoiselle, vous allez me suivre & vous me direz vos plus belles chansons,