ii
La mère de Martine l’accueillit fort bien, lui donna à souper & lui fit raconter son hiſtoire. Il finissait à peine son récit qu’on entendit heurter violemment à l’huis. C’était l’ogre qui revenait. Aussitôt sa femme ouvrit la caisse de l’horloge & Martin s’y blottit.
L’ogre se mit à table & mangea la moitié d’un veau qu’il arrosa de trois grands brocs de bière brune. Quand il en fut au dessert, il flaira à droite, à gauche, & se tournant vers l’horloge :
« Tiens ! dit-il, la patraque eſt arrêtée !
— Ne vous dérangez point, mon père, s’écria Martine. Je vais la remonter à l’inſtant. »
Mais l’ogre était un homme d’ordre. Il se leva & alla ouvrir la caisse :
« Oh ! fit-il, le joli moricaud ! C’eſt donc cela que je sentais la chair fraîche ! »
Martine se jeta à son cou.
« Mon bon père, épargnez-le, je vous en prie. Il eſt si gentil !
— Il sera mieux encore, accommodé aux pruneaux ! » répondit l’ogre.