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Contes d’un buveur de bière

Il voyait le sourire sur les lèvres, il sentait la haine au fond des cœurs. Il n’avait point d’amis, il n’avait que des valets.

La peur faisait ramper le monde entier à ses pieds, & cette bassesse universelle soulevait son mépris & causait son désespoir.

Il aurait donné l’empire de l’univers pour qu’un de ses flatteurs osât une seule fois lui dire la vérité en face.

Supplice épouvantable pour un homme que l’amour avait conduit à cette extrémité de vouloir être adoré comme un dieu !

Un soir, enfin, las de toutes ces grimaces, de tous ces mensonges, de toutes ces bassesses & de toutes ces haines, Macaber dépouilla son manteau impérial, revêtit des habits de paysan, prit la fatale faux & sortit de son palais par une porte dérobée, sans rien dire à personne.

Il s’enfuit comme un malfaiteur, de crainte d’être reconnu & ramené à son trône.

Il ne cessa de marcher que quand il fut arrivé à l’huis de la hutte où la Mort se reposait, les bras croisés.

« Ah ! tenez, mon parrain, dit-il, reprenez votre faux & laissez-moi vivre comme le dernier des mortels : je serai plus heureux !

— Ainsi soit-il ! » répondit la Mort ; & il se remit sur-le-champ à sa besogne.