Page:Deulin - Contes d’un buveur de bière, 1868.djvu/192

Cette page a été validée par deux contributeurs.

186
Contes d’un buveur de bière

cer de ma part que je l’attends d’aujourd’hui en huit pour me dire trois choses : 1o ce que pèse la lune, 2o ce que je vaux, & 3o ce que je pense. S’il répond de travers, tant pis pour lui, il sera pendu. »

Le roi des Pays-Bas avait parfois de singulières idées, mais le métier de roi n’eſt mie aussi commode que celui de mayeur, & il faut bien passer quelques fantaisies aux pauvres gens qui sont condamnés à l’exercer.

Quand le mayeur vint boire sa pinte au Bon Couvet, il avait l’air triſte comme un jour de pluie & l’esprit si préoccupé qu’il perdit à la file cinq parties de mariage.

« Vous voilà tout busiant, dit la Guerliche, que son maître n’avait point vu entrer. Qu’eſt-ce que vous avez qui vous trotte par la cervelle ?

— J’ai fieu, que je ne dormirai point de la nuit, & que dans huit jours je serai pendu. C’eſt sûr.

— Pendu ! myn God ! & pourquoi ? »

Et le gros mayeur raconta à la Guerliche ce que le roi exigeait de lui.

« Diable ! fit celui-ci en lui tapant sur la bedaine. Il s’agit de vous souſtraire à la potence. J’ai déjà escamoté bien des choses, mais je ne suis point encore tombé sur une muscade d’aussi fort calibre. C’eſt égal. Laissez-moi aller là-bas à votre