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Les Muscades de la Guerliche

— Tout entier ?

— Tout entier.

— Je parie cent florins que tu n’y parviens pas.

— Je les tiens.

— Tu les as donc ?

— Oui, dans votre escarcelle. Commandez un pot de bière. Je vous ramène vos moutons en moins d’une heure. »

La Guerliche prit un chemin détourné & gagna le petit bois avant le berger. Le bosquet formait une sorte de triangle entouré de waréchaix ou terrains vagues.

Quand Toine Balou fut près des arbres, il vit tout à coup un corps d’homme qui se balançait aux branches d’un chêne.

« Jésus ! myn God ! un pendu ! » dit-il. Il se signa dévotement & poussa son troupeau sans oser se retourner. Deux cents pas plus loin, le bois faisait un coude. Nouveau pendu.

« Encore un ! » dit Toine Balou, & une sueur froide lui passa dans le dos. Au bout de deux cents autres pas, nouveau coude, nouveau pendu. Toine Balou n’y put tenir davantage. Saisi d’une terreur folle, il s’enfuit comme un voleur, semant derrière lui manteau, houlette, panetière & chapeau, pour courir plus à l’aise.

Les trois pendus n’en faisaient qu’un, un homme